mardi 27 février 2007

Le fol usage, paragraphe 5 : les domaines de la linguistique

Maurice, t'es là?

Je me suis rappelé cette odeur caractéristique des petits gymnases scolaires hier soir, à l'occasion d'une partie de mini-basket de ma nièce. Cette odeur caractéristique de tous les rêves précoces de vedettariat. Combien de fois me suis-je imaginé l'anxiété d'un match olympique? Combien de fois ai-je pensé pouvoir faire la différence au moment opportun? Trop souvent pour le plus moyen des sportifs.

Accepter d'être si uniquement ordinaire, voilà ce que nous rappelle l'odeur des gymnases.

C'est aussi ce à quoi l'odeur de ton ouvrage me fait penser. Le bon usage? Il eût fallu dire L'humilité. Humilité de celui ou celle qui fera toujours un travail honnête, sans plus. Humilité de celui ou celle qui sait... qu'il ne sait pas.

Allez, plus que 1100 paragraphes.

mardi 13 février 2007

Le fol usage, paragraphe 4 : la Saint-Valentin sans s'abaiser

Maurice,

On va se parler entre hommes, d'autant plus que je sais que tu ne pourras répliquer. Je profite de ta condition de (comment dirais-je?) de grammairien décédé pour te proposer un marché que tu ne pourras pas refuser : je te lis, je décante, puis tu me lis (donc tu lis la lie, pour ainsi dire). Ce n'est pas tant que j'aie toujours quelque chose dire, Dieu me garde de trouver une fin à mes propos, a fortiori quelque chose à tirer de ce que tu dis toi-même, mais j'ai l'impression tenace de devoir repenser ma relation avec ton ouvrage. Le motif? Rien de bien compliqué en fait, que le moteur de l'existence : tu m'emmerdes. Et comme j'ai pas envie de me faire chier, surtout pas de le laisser paraître, tu comprendras, n'est-ce pas, que un et un font deux, deux et deux font quatre, six et neuf font compliqué, basta les discussions grammaticales et autres fétichismes douteux en cette veille de la Saint-Valentin.


Allez, plus que 1101 paragraphes.

jeudi 8 février 2007

Du fol usage, paragraphe 3 : des paroles et des écrits

Le parallélisme entre les deux expressions [l’oral et l’écrit] n'est pas complet : outre le fait que la phonétique et l'orthographe ne se recouvrent pas exactement, il faut remarquer que le locuteur et l'auditeur participent le plus souvent à la même situation concrète (lieu et temps), ce qui n'est pas le cas d'ordinaire pour le scripteur, qui écrit pour un lecteur que souvent il ne connaît pas et qui se trouve en général dans un autre lieu et dans un autre temps.
Cher Momo,

Voilà ton premier paragraphe substantiel! Mes félicitations! D'ailleurs, c'est tout à ton honneur d'avoir réussi à me convaincre de le lire en entier. Il est souvent à propos de rappeler des évidences : l'oral participera toujours d'un processus différent de l'écrit. Il faudra toujours mettre l'écrit dans un contexte, ne jamais oublier que l'homme, la femme ou le blogueur qui écrit omet selon son bon vouloir une foule d'éléments qui pourraient clairifier son message. Considérant que les gens ont de la difficulté à se comprendre en personne, je n'ose penser ce qui peut se passer lorsque la langue est aussi dématérialisée que dans la lettre, le roman, le billet ou la mise en demeure. Dématérialisée, donc lieu de toutes les rêveries, de tous les fantasmes, de toutes les idôlatries... de toutes les déceptions. Si l'écrit présente une plus grande uniformité que l'oral, c'est qu'il appartient à tout le monde, à personne. Il n'en est pas moins réel, mais il manque de corps.

C'est à se demander pourquoi certaines gens tiennent tant à voir de visu les auteurs qui les font rêver. Il n'y a entre l'auteur et son œuvre aucune identification.

Auteurs comme lecteurs gagneraient à s'en rendre compte, à défaut d'y échapper.

Allez, plus que 1102 paragraphes.

mercredi 7 février 2007

Humour de traducteurs

Tiré d'une conversation par MSN entre l'auteur et ex-collègue B3 :

Je suis aléatoirement compréhensible dit :
« System Acceptance approval ». Bravo pour la redondance.

Benjam dit :
« Approvation d'acceptance système ». Trop facile. T'en as d'autres plus corsées?


lundi 5 février 2007

Le fol usage, paragraphe 2 : des sons et des adverbes

Le langage est constitué essentiellement de sons émis par le locuteur ou sujet parlant à l'intention d'un auditeur ou d'un interlocuteur.

À la lecture de ton deuxième paragraphe, bien court au demeurant, j'ai immédiatement voulu me précipiter vers les paragraphes portant sur les adverbes : décidément, le choix de essentiellement me tracasse. Qu'en est-il du reste du langage, dis-moi? J'ai suffisamment de mémoire pour me souvenir que la linguistique est essentiellement l'étude du langage parlé, mais je dois t'avouer que je te trouve d'emblée carrément injuste de me titiller ainsi. Tu me diras que j'aurais avantage à me faire titiller de plus avantageuse façon que la présente, mais là n'est pas la question; qui plus est, ce n'est pas tout à fait tes oignons. D'ailleurs tu commences déjà à faire toi-même des renvois à d'autres paragraphes. Et si moi je voulais déjà savoir ce que tu entends par la notion de syntagme que tu abordes plus loin, hein? Mais quelle est cette manie qu'ont les ouvrages encyclopédiques de prévoir un système de renvois entre les articles, de voir la connaissance comme un ensemble cohérent, un dialogue?


Or j'ai entrepris ma quête dans l'optique de la connaissance linéaire! Tu bousilles mes plans. Inadmissible! Encore ici, tu me diras peut-être que, exception faite de mon emploi intempestif de la prolepse1, encyclopédie renferme l'idée de globalité, d'embrassement du savoir, étymologiquement parlant, et non d'un savoir linéaire (autrement dit, que le savoir est synchronique et non diachronique), et que ton ouvrage n'est pas encyclopédique mais, considérant l'aveu de mon ignorance au précédent billet, je me trouvais plutôt ici avisé de faire ce genre de digression pour étaler les deux ou trois mots savants que je connais et faire une phrase syntaxiquement correcte de quatre-vingt-onze mots, les mots qui suivent mots (le premier, pas le deuxième) exclus, ce qui fait, en vérité, bien plus de quatre-vingt-onze mots, mais à ce compte, on n’arrivera jamais au nombre exact.

Je dois cependant admettre qu'en écrivant à l'intention de, t'as visé juste. Je sais qu'il n'est pas facile de définir des termes aussi vagues que langage, du moins suffisamment vagues pour justifier l'existence de départements dans nos universités. Mais là, chapeau! En effet, la communication participe toujours d'une intention, intention qui, il va de soi, n'est pas toujours saisie par l'interlocuteur dans un dialogue de sourds, à plus forte raison de l'auditeur lorsqu'il s'agit du conjoint type. J'en prends pour exemple les miaulements remplis d'intention mais jamais entendus de ce pas très affectueux tube digestif à poil qui me sert de chat (non, il ne s'agit pas dudit conjoint type).

Par ailleurs, tu me vois tout gaillard d'avoir trouvé une première information beaucoup trop imprécise dans ton ouvrage! Tu as beau prétendre que les sons forment des unités de sens que l'on nomme grossièrement mots mais précisément monèmes, ou morphèmes sous l'influence de nos voisins du Sud (les miens, pas les tiens), il y a un mec qui dit qu'« il ne faudrait pas conclure que "monème" n'est qu'un équivalent savant de "mot"2 » et qu'« il vaut mieux éviter le terme ambigu de "morphème"3 ». Eh bien moi, je crois qu'il a raison. Tu sais pourquoi? Parce que ça t'en bouche un coin!

Non mais vraiment, mon Fol usage sera un concours de celui qui pisse le plus loin ou ne sera pas.

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1 « Prévenir les objections en se les faisant à soi-même et en les détruisant d'avance. » (DUPRIEZ, Bernard. Gradus. Les procédés littéraires, Paris, Union Générale d'Édition (coll. « 10/18 »).
2 MARTINET, André. Éléments de linguistique générale, Paris, Armand Colin (coll. « Cursus »), p. 16.
3 Ibid.