mercredi 19 septembre 2007

Du fol usage, paragraphe 20 : de la chimie, de la physique et autres considérations de la langue de l'amour

Maurice,

Prenons l'axiome suivant, lieu commun s'il en est un.

Il n'y a pas de chimie entre nous.

Je ne saurais dire si cette expression t'as déjà dynamité par sa vacuité (en fait, on s'en fout un peu, on n'ose jamais imaginer les amours d'un grammairien), mais de mon côté, ça me laisse pantois, coi quoi. Oh non! pas nécessairement déçu, la nana qui dit ça peut bien aller voir ailleurs si j'y suis (j'y suis pas, t'inquiète, mais ne le dit pas). C'est que, bon, je comprends pas, c'est tout. Pas que je n'entends pas. C'est plutôt... pourquoi parler de chimie entre deux personnes, hein? Pourquoi pas biologie auprès, biochimie dedans? T'as une réponse?

Bref, je me demande.

Considérons donc la définition de chimie que me donne mon ami Bob :

Science de la constitution des divers corps, de leurs transformations et de leurs propriétés.

Ça éclaire peu, tout de même. Bon, avec un peu d'imagination et d'esprit (tordu), je peux bien faire un rapprochement vaseux, mais je suis pas davantage renseigné sur le pertinence de entre. Chimie, c'est pas un verbe tout de même! Et puis bon, les prépositions, c'est l'amour même : auprès, dessus, dessous, sur, sous, dans, on n'en sort pas (ou enfin on veut pas en sortir, parfois, c'est compliqué, je t'expliquerai).

Quand je comprends pas, une seule explication : c'est la faute de l'anglais. C'est comme ça ici. Blame it on the Anglos.

Justement, que nous dit le Merriam-Webster à propos de chemistry?

A strong mutual attraction, attachment, or sympathy.

Qu'est-ce que j'avais dit, hein? J'avais pas raison? D'aucuns m'accuseront de tomber dans le raisonnement post hoc (et dans l'abus des italiques), mais faut pas se préoccuper des détails.

Enfin bref, nul doute que la prochaine qui trouve qu'on n'a pas de « strong mutual attraction » peut bien aller se faire foutre (par quelqu'un d'autres, pas de doute à ce propos). Je me rapproche pas de celles qui pensent l'amour dans (et avec) une autre langue.

Non, selon ma langue, cette nana et moi ne pouvions assurément pas avoir d'atomes crochus. En français, ce qui est au poil, c'est qu'on parle en termes de physique lorsqu'on doit se mettre à poil.

Cela dit, j'ai pas vraiment une dent contre la chemistry de l'anglais. Le ROC peut bien aimer la chimie organique, j'ai pas détesté synthétiser pour la première fois des huiles essentielles (et fondamentales) au collège, mais la chimie organique ne sera jamais la chimie des organes, moi je dis, question d'étymologie.

Non, la physique et ses atomes crochus, sa mécanique des fluides, sa gravité, ses frictions, son inertie, son espace-temps, y'a que ça pour décrire l'amour.

Allez, plus que 1085 paragraphes.

4 commentaires:

François a dit...

Tu sais Benoît, je crois qu'il s'agit d'une imprécision en fait. Il n'y a pas de chimie entre nous renverrait donc au principe de covalence, qui est quand même une notion de chimie, soit la liaison de deux atomes par mise en commun d'électrons. Par extension, Il n'y a pas de chimie entre nous mène à nos électrons ne veulent rien savoir les uns des autres.
Mais tu as cent fois raison, la notion de physique est beaucoup plus claire à ce propos. Il suffit de considérer l'exemple Il n'y a rien de physique entre nous par rapport au précité Il n'y a pas de chimie entre nous...

Benoît a dit...

L'explication me semble plausible mais... qu'en est-il de entre?

Au demeurant, la chimie a tout de même ses avantages. Ne pensons qu'aux relations toxiques.

Butterflies in my stomach a dit...

La physique étudie la matière et ses propriétés fondamentales alors que la chimie étudie les interactions de la matière. Or, l'amour est-elle une propriété fondamentale de l'être humain (coucou JJR) ou bien une interaction entre eux?
Faudrait d'abord établir ce postulat avant de discuter.

Considérant que nous vivons tous dans un environnement plein (qui n'est pas vide de matière), à moins d'être dans le vide intersidéral, il y aura toujours de la matière entre deux individus et donc, de la chimie, si petite soit-elle. Sers-lui ça à la prochaine qui te fera chier avec ça. Oui je sais, à l'état gazeux, c'est presque dire qu'il n'y a pas d'interactions et les électrons de l'un ne veulent justement rien savoir de ceux de l'autre, voire pire, ils s'ignorent mutuellement l'un et l'autre, mais bon, ils s'en trouvent toujours des égarés qui ne regardaient pas devant eux. Aussi, la répulsion électronique, c'est aussi de la chimie, moi je dis, la nana elle saura plus quoi dire après ça.

Par ailleurs, en ce qui a trait aux atomes crochus, je proteste, les électrons ne font-ils pas partie de l'atome? Bon, peut-être pas au fond, mais faites interagir deux éléments avec une différence d'électronégativité suffisamment importante et on peut voir
la polarité de la liaison covalente et la déformation (croche croche crochue) du nuage électronique de chaque atome en jeu. J'admets que ceux-ci qui ne partagent pas également la tâche sont probablement les liaisons les plus facile à faire sauter, on en veut pas nécessairement donc, mais ça reste de la chimie et c'est crochu.

Benoît a dit...

Pascale -> Voilà une démonstration ma foi fort étoffée! Tu étudies bien, bravo! Je prends bonne note de tes conseils, ils me permettront d'envoyer promener la nana avec classe et intelligence.

Je me permettrai cependant cette observation.

L'expression « avoir des atomes crochus » nous vient de Démocrite :

« Les corps que nous voyons durs et massifs, doivent leur cohésion à des atomes plus crochus, plus intimement liés et entrelacés en ramifications complexes. » Il suffisait qu'à étendre le sens pour que les atomes crochus désigne l'attachement.

Hormis la référence non moins explicite au désir, tu vois bien que les atomes crochus est une propriété de la matière, et que nous sommes bien en matière de physique.

Cependant, la question subsiste : l'amour est-il le fruit de la rencontre de deux couples d'atomes déjà crochus, qui s'emboîtent parfaitement, ce qui nous ramènerait à la conception platonicienne de la « tendre moitié », ou bien les atomes crochus sont le fruit d'une interaction?

La question demeure.