lundi 17 décembre 2007

Du fol usage, paragraphe 23 : ma congère est plus grosse que ton banc de neige

Mon cher,

Voilà, c'est quand même un peu chiant, le paragraphe 23 n'est qu'un tableau des voyelles françaises, des voyelles en phonétique à plus forte raison! Et, quoique la distinction entre les voyelles labiales et non labiales m'apparaît vachement intéressante, je me vois mal discuter ne serait-ce qu'une phrase de plus de ces notions qui, somme toute, sont difficiles à placer dans conversation entre le bœuf bourguignon et la tarte au citron.

C'est pourquoi j'en profite pour parler du sujet de l'heure dans ces quelques arpents de neige en Amérique : les quelques arpents de neige dans mon entrée de voiture. M. Arouet avait peut-être raison, le pauvre.

En fait, je suggère la remise au goût du jour d'un terme noble pour désigner les amas de neige entassés par le vent ou la pelle frénétique et revancharde du Québécois moyen encore étonné de voir de la neige en hiver. Au pays de l'or des fous, on a substitué le rustre banc de neige à la très latine congère dans les conversations autour du pot-au-feu ou du café fade des tours à bureaux.

Certains diront que c'est outrageusement pédant, et qu'employer ce terme est le meilleur moyen d'être mis au ban d'une société dans laquelle le banc de neige fonde encore aujourd'hui l'essentiel des bulletins télévisés et des conversations hivernales autour du café fade des tours à bureaux.

Soit. Mais c'est tenir pour acquis que vos interlocuteurs comprendront de quoi vous parlez.

Au contraire, si vous choisissez bien votre société, ce terme aura l'avantage de confondre vos interlocuteurs. S'ils vous en demandent la signification, ce qui est peu probable considérant la difficulté pour les ignorants d'avouer leur ignorance, soyez inventif. Par exemple, prétendez que congère est du vieux français pour congénère. La démonstration de votre culture vous permettra de faire passer le vin cheap que vous avez amené à vos hôtes pour un vin rare. Avec un peu de chance, vous les impressionnerez suffisamment pour rendre cocu le mari entre la dinde et le caramel mou.

C'est peut-être pas convaincant, dit comme ça, mais le Secret, c'est qu'il suffit d'y croire.

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lundi 12 novembre 2007

Du fol usage, paragraphe 22 : de la nature des voyelles

On appelle voyelles des sons produits par les vibrations des cordes vocales,l'air s'échappant sans avoir été arrêté ou freiné nulle part.


A

J'ai appris ma première voyelle chez le médecin. « Dis aaaaaaaaa » m'a été demandé par ce bon pédiatre de la rue Green, à Saint-Lambert, bien avant mes frisées maîtresses d'école (la plupart sont frisées). Bien évidemment, mes parents avaient déjà osé m'apprendre le b, mais c'est chez le pédiatre que j'ai saisi l'origine de cette voyelle : la maladie, la douleur. Le premier a français est sorti de la bouche d'un malheureux s'étant cogné le doigt avec un marteau (le calisse de papa n'étant que le fruit de l'évolution).

Certes, les théories de mon enfance se sont infirmées depuis : le a n'est pas né de la douleur ni de la maladie; le calisse n'est que le fruit de la régression du vocabulaire de papa.

Dommage.

E

D'aucuns prétendent que le e ne sert qu'à établir ou à maintenir la communication, qu'il a une fonction phatique.

Il n'en est rien. C'est la voyelle typique de l'interrogation, du doute, de l'absence, du on pourrait passer à autre chose? Il sert à masquer le silence de la fuite. Demandez à une nana ou à un mec (c'est selon) que vous courtisez pourquoi vous ne lui plaisez pas pour voir ce qui sortira d'office de l'orifice. CQFD.

Le e est la voyelle détestée des amants éconduits.

I

I sert essentiellement à signifier l'étonnement de l'ami à qui l'amant éconduit vient de raconter son histoire. L'amant éconduit doit toujours affronter les monosyllabes avant son deuil.

O

O comme la réaction de l'homme qui réussit pour la première fois à détacher d'une main un soutien-gorge.

O est la voyelle préférée des amants non éconduits (et habiles).

U

Voyelle qui, à elle seule, n'a pas d'âme. Née de la nécessité de la coupler au q pour placer un mot compte triple au Scrabble.

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dimanche 21 octobre 2007

Du fol usage, paragraphe 21 : des ambitions, tu n'auras pas

Maurice,

Voilà, les ambitieux et autres établisseurs d'objectifs, les move on men, les illuminés de l'avenir me sont insupportables tout autant qu'ils sont, tout contents qu'ils soient.

Font chier. Laissez-moi branler.

Regarder devant soi, je veux bien, mais ça empêche de voir où on met les pieds et de ramasser la merde qu'on laisse derrière soi.

Bonheur, bonheur, bonheur : ils n'ont que ce mot à la bouche. Courez, courez, courez je dis, votre bonheur est une carotte. Ce n'est pas le mien. Avancer, avancer, il faut toujours avancer, répètent-ils. Allez, n'hésitez pas, atteignez vos objectifs, vous n'aurez qu'à en fixer un autre, puis un autre, puis un autre... Épuisez-vous sans vous fatiguer. Plus loin, plus fort, plus vite, just do it. Plus de joie, plus d'amis, plus de sexe : davantage de pourquoi. Vous êtes la chatte qui court après sa queue, le Sisyphe condamné à son rush.

Respirez, soufflez que diable, vous m'étourdissez!

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mercredi 19 septembre 2007

Du fol usage, paragraphe 20 : de la chimie, de la physique et autres considérations de la langue de l'amour

Maurice,

Prenons l'axiome suivant, lieu commun s'il en est un.

Il n'y a pas de chimie entre nous.

Je ne saurais dire si cette expression t'as déjà dynamité par sa vacuité (en fait, on s'en fout un peu, on n'ose jamais imaginer les amours d'un grammairien), mais de mon côté, ça me laisse pantois, coi quoi. Oh non! pas nécessairement déçu, la nana qui dit ça peut bien aller voir ailleurs si j'y suis (j'y suis pas, t'inquiète, mais ne le dit pas). C'est que, bon, je comprends pas, c'est tout. Pas que je n'entends pas. C'est plutôt... pourquoi parler de chimie entre deux personnes, hein? Pourquoi pas biologie auprès, biochimie dedans? T'as une réponse?

Bref, je me demande.

Considérons donc la définition de chimie que me donne mon ami Bob :

Science de la constitution des divers corps, de leurs transformations et de leurs propriétés.

Ça éclaire peu, tout de même. Bon, avec un peu d'imagination et d'esprit (tordu), je peux bien faire un rapprochement vaseux, mais je suis pas davantage renseigné sur le pertinence de entre. Chimie, c'est pas un verbe tout de même! Et puis bon, les prépositions, c'est l'amour même : auprès, dessus, dessous, sur, sous, dans, on n'en sort pas (ou enfin on veut pas en sortir, parfois, c'est compliqué, je t'expliquerai).

Quand je comprends pas, une seule explication : c'est la faute de l'anglais. C'est comme ça ici. Blame it on the Anglos.

Justement, que nous dit le Merriam-Webster à propos de chemistry?

A strong mutual attraction, attachment, or sympathy.

Qu'est-ce que j'avais dit, hein? J'avais pas raison? D'aucuns m'accuseront de tomber dans le raisonnement post hoc (et dans l'abus des italiques), mais faut pas se préoccuper des détails.

Enfin bref, nul doute que la prochaine qui trouve qu'on n'a pas de « strong mutual attraction » peut bien aller se faire foutre (par quelqu'un d'autres, pas de doute à ce propos). Je me rapproche pas de celles qui pensent l'amour dans (et avec) une autre langue.

Non, selon ma langue, cette nana et moi ne pouvions assurément pas avoir d'atomes crochus. En français, ce qui est au poil, c'est qu'on parle en termes de physique lorsqu'on doit se mettre à poil.

Cela dit, j'ai pas vraiment une dent contre la chemistry de l'anglais. Le ROC peut bien aimer la chimie organique, j'ai pas détesté synthétiser pour la première fois des huiles essentielles (et fondamentales) au collège, mais la chimie organique ne sera jamais la chimie des organes, moi je dis, question d'étymologie.

Non, la physique et ses atomes crochus, sa mécanique des fluides, sa gravité, ses frictions, son inertie, son espace-temps, y'a que ça pour décrire l'amour.

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mercredi 29 août 2007

Du fol usage, paragraphe 19 : des particularités des sites de nouvelles en ligne

En manchette aujourd'hui :

Québec planifie l'ouverture d'une prison dédiée aux agresseurs.

On trouvera sur la pierre d'assise la mention suivante : « Prison érigée en l'honneur de nos agresseurs disparus ».

Tu t'étonnes qu'on n'ait pas déjà crié au scandale.

Tu te ravises, la colère ne t'es pas réservée.

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lundi 27 août 2007

Du fol usage, paragraphe 18 : de la langue en bouche

Momo,

J'aime ma langue et encore plus la partager quand on me donne l'occasion d'insérer un zeugme d'entrée de jeu. Pas qu'elle soit plus belle que les autres, bien sûr que non, j'oserais pas porter de tels jugements de valeur en public, mais en privé, l'âme nue (l'âme, dis-je), c'est une langue belle aux mouvements si féconds.

J'aime pas quand les gens disent qu'ils se mettent un pied dans la bouche, c'est les anglos qui font ça, nous on se met les pieds dans les plats. Il faut se rendre à l'évidence : c'est du propre. Il y a bien sûr de mauvaises langues qui diraient que ce qui se trouve dans les plats se retrouve nécessairement dans la bouche et que, bref, le français n'est pas plus propre, mais je dirais à ces gens holà! Se mettre les pieds dans les plats demande beaucoup moins de contorsions que faire de même dans la bouche. Et en matière de langue, qui dit contorsions dit circonvolutions dit complications.

Ma langue n'est pas mal embouchée et ne s'embouche pas, qu'on se le dise.

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lundi 20 août 2007

Le fol usage, paragraphe 17 : des pauses inutiles

Maurice,

Bon, me revoilà, pas la peine de me faire la leçon, comme sujet à vif j'irai au vif du sujet : la pause aura été inutile, j'en ai bien peur, mais n'aie aucune crainte, je saurai garder l'incohérence du propos et la longueur des phrases plus ou moins bien correctement ponctuées. Tu sais, parfois on dit qu'on prend du recul pour prendre de l'élan, mais c'est complètement naze comme façon de penser, on prend du recul pour reculer et, physiquement parlant, on doit interrompre l'élan pour reculer; on ne me la fait pas, pour briser l'inertie, il faut de la friction et par conséquent j'espère que t'es pas trop brouillé avec moi. CQFD.

La pause aura été inutile, donc, car il ne s'est rien passé dans les dernières semaines qui a véritablement pu m'empêcher de t'écrire, ni femme ni flamme ni flemme ni paronymes (quelque mauvaises ces raisons fussent-elles). Tu voudras bien m'en excuser.

À très bientôt


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mardi 19 juin 2007

Du fol usage, paragraphe 16 : du baiser

Le baiser est la forme primitive du bilinguisme.

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lundi 28 mai 2007

Du fol usage, paragraphe 15 : des trois R

Réduire, réutiliser, recycler le discours, voilà l'écologie sociale.

Si j'ai du feu? Voilà mademoiselle. Si je suis anglophone, j'ai comme un accent ? Non, pas du tout, je suis seulement translateur, mais merde, tu peux pas savoir comment tu me fais plaisir, j'aurai pas besoin d'avorter moi-même les germes de la séduction, c'est dans le désordre des choses. Translator, really? T'es toute surprise, t'as pas dû en voir ofteune, tu présumes qu'on est nécessairement du même moule. Et tu causes, tu causes et tu m'énerves, en anglais comme en français, indeed, you're so fully educated and bilingual, like you said, comme ces anglos qui ont fui vers The Queen City après 1976. What a shame, isn't it? Sauf que moi, c'est à ton discours que je pense. Ta naïveté me touche, un peu plus et je te croirais intéressée à mes propos et à mes proposals. Je te demande pas ton nom, tu t'appelles Sandy, no doubt about it. Le français est tellement plus difficile, it's foule of exceptions, ça doit être vrai, le Grec et la Tremblay qui me parle en anglais (it's such a cool language, after all) le disent aussi.

On est restera là, je vais rentrer voir si je suis toujours aussi transparent. Je voudrais briser mes digues pour que t'ouvres les vannes, je voudrais baisser ma garde pour que tu me bayses encor, repaysse-moi et bayse, je te réveillerai demain avec quatre fraises. Mais voilà, ça n'arrivera pas, j'ai des inaptitudes à l'ineptie sociale, je joue pas moi, en fait si, je joue à pas jouer, ça me donne de la contenance. Je suis pas glandeur mais branleur, au propre (pas propre) comme au défiguré, mais faut pas t'en faire, je souris, souris à jaunir, l'humour factice rapproche les gens et distancie les jambes, paraît-il. Mais t'en fais pas, je suis pas cynique, non, j'ai confiance en la vie, seulement je suis hors-la-vie.


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mercredi 9 mai 2007

Du fol usage, paragraphe 14 : des bizarreries des rédacteurs

Momo,

Tu dois d'abord lire cet extrait d'un guide d'utilisation que j'en suis à traduire :

The next part of this tool is the possibility to apply search filters to the data. For example, we might want to search for all names containing “ toroon ”. To do this [...]

Dis, tu connais des termes anglais qui comprennent le morphème toroon? Je suis un peu embêté, je dois dire. Et j'arrive difficilement à concevoir comment le rédacteur en est arrivé à penser à cet exemple. M'enfin bon, tu sais comment j'ai l'esprit fermé, je pense inside the box et non outside the box comme disent les gens qui gestionnent. Par conséquent hein, de là à dire que toroon est un terme outside the box, the dictionary for that matter, il n'y a qu'un pas de sophiste que je ne ferai pas. Mais le problème de la traduction du terme hein, je te dis pas. Je voudrais pas simplement reproduire toroon en français, je ne voudrais pas faire d'anglicisme néologique, nouvelle erreur commune du traducteur.

Alors voilà ce à quoi je suis arrivé, mais je ne suis toujours pas certain. Si t'as de meilleures idées, surtout n'hésite pas à m'en faire part :

  • Dans le cas où l'on voudrait trouver tous les termes comprenant « moron », par exemple, il faut [...];
  • Dans le cas où l'on voudrait trouver tous les termes comprenant « desmots », par exemple, il faut [...];
  • Dans le cas où l'on voudrait trouver tous les termes comprenant « riendutout », par exemple, il faut [...].

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mardi 1 mai 2007

Du fol usage, paragraphe 13 : de la banlieue

Je suis enfant comme grand enfant de la banlieue, indécrottable fruit vert à mûr des amours de la défunte Ville Jacques-Cartier, celle des romans de Ferron. J'ai grandi à l'ombre du bouleau blanc et des réverbères témoins des parties de cache-cache. Le bouleau a fait place à l'épinette argentée et les réverbères ne sont maintenant témoins que des parties de fesses.

Je suis fils de la banlieue, à mille lieues du banc de mes premières amours.

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lundi 16 avril 2007

En passant...

Par esprit d'éducation des masses, tu verras que je proposerai, quotidiennement j'espère, des traductions d'expressions connues dans l'en-tête du carnet. En espérant que tu pourras enrichir ta collection d'expressions idiomatiques.

Le fol usage, paragraphe 12 : de la grippe

L'homme qui voit poindre la grippe s'agrippe. Là bon, évidemment, j'espère ne pas avoir à t'expliquer ce que j'entends par ce dernier verbe, il y a deux possibilités, et c'est tout de même pas ma faute si j'ai la langue inventive et la plume lâche. Bon, tu me diras que je suis prétentieux, mais t'auras tout faux, parce que je suis carrément tentieux et tendancieux; je ne prétends pas, je tends et détends, et il suffirait que j'ajoute j'attends pour faire un navrant rap du temps. Les leçons d'étymologie, on ne me les fait pas, ça non, j'ai un diplôme pour le prouver.

À la venue de la grippe, je m'agrippe, donc. C'est ce que je suis pas souvent malade, moi monsieur, je touche du bois pour éviter de moucher du moi. C'est que je déteste la fièvre du printemps, qui se traduit toujours par des nuits courtes entrecoupées de corps en sueur au lit, ce qui, tu en conviendras, est beaucoup moins agréable que la fièvre du printemps, qui se traduit toujours par des nuits courtes entrecoupées de corps en sueur au lit. C'est pas pareil, je te jure, c'est simplement que la langue a de ces insuffisances parfois, on ne peut faire autrement que de tomber dans la suffisance, je te l'ai dit plus haut, c'est pas ma faute.

Mais voilà, t'inquiète, c'est maintenant derrière moi. Et ne me dis pas que c'était qu'une fièvre d'homme du printemps (en fait, je suis pas homme du printemps, enfin si, mais non, c'est compliqué le complément déterminatif, j't'expliquerai). Non, ce n'était pas fièvre d'homme du printemps, celle-ci demande une oreille pour geindre à son gré.

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mardi 10 avril 2007

Le fol usage, paragraphe 11 : de la décoration

Cher Maurice,

On en vient parfois à détester profondément vivre dans le blanc. C'est mon cas il va sans dire, je t'en parlerais pas pour rien. C'est pas que j'aie des talents énormes pour la décoration, loin de là, mais un jour il faut ce qu'il faut. Comme mâle traditionnel, je dois marquer mon territoire, et comme j'ai pas de talent pour me frotter la joue sur les murs ou pisser sur la moquette, j'ai pensé qu'un peu de peinture ferait l'affaire.

C'est fou comment un peu de vert humanise les cloches de verre des hommes verts.

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lundi 2 avril 2007

Le fol usage, paragraphe 10 : des chats

Cher Maurice,

Publier une photo de son chat dans un de ses billets est probablement l'une des pire atteintes à la crédibilité du blogueur (propriétaire dudit chat). Mais bon voilà, tu ne m'en voudras pas trop, j'ai songé que je pourrais immédiatement ramener ma crédibilité à zéro, de cette manière elle ne pourra par la suite que prendre du mieux. Il paraît, selon la sagesse populaire, qu'il vaut mieux atteindre parfois le fond du baril. Il reste que j'ai jamais compris tout à fait de quel baril il s'agit, parce que le baril de poudre est toujours plus dangereux avant qu'on en atteigne le fond. Mais quand on y pense, c'est pas fou quand même, parce que le fond du baril rime souvent avec fond de tonne et derniers morceaux de Kentucky.

Mon chat, il est pratique : il me réveille toujours à l'heure pour pas que je sois en retard au boulot, ce qui vaut son pesant d'or, que je lui verse en croquettes sonnant. Ça, c'est sans compter qu'au retour du bureau, il me rappelle toujours avec emphase le chemin vers son bol de bouffe, service qui n'a pas de prix, mais que je lui paie aussi en croquettes. Tu me diras peut-être qu'il n'est pas pratique mais dispendieux, mais non, il est dispendieux mais pratique, ce qui n'est pas la même chose. C'est comme un bibelot utile, mais vivant. Ça l'air compliqué comme concept, je te l'accorde. Je t'expliquerai un jour.


Voilà, tu pourras pas me reprocher de n'avoir jamais montré ma vulnérabilité ici,
on peut pas seulement se montrer sous son meilleur jour dans l'anonymat. J'ai montré une photo de mon chat, c'est dire.

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lundi 26 mars 2007

Le fol usage, paragraphe 9 : des élections

Cher Maurice,

Tu sais, je parle jamais politique, mais bon, c'est jour d'élection ici et si je parle pas politique aujourd'hui, j'aurais l'air de ne pas être citoyen modèle et cultivé, ce qui m'embêterait en plus de m'abêtir, c'est le cas de le dire. Mais bon, je dois l'admettre, c'est pas si difficile pour moi de parler des jeux de pouvoir, ça fait partie de moi, j'ai joué jusqu'à plus soif au roi de la montagne étant jeune.

Et je sais pas pourquoi, c'est toujours le plus gros et grossier qui gagnait.

Et aujourd'hui, je n'ai pas voté pour lui.

La démocratie, c'est la revanche du vif sur le mufle pour le vulgaire.

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lundi 19 mars 2007

Le fol usage, paragraphe 8 : des opinions

Cher Momo,

Tu sais, tout le monde a des opinions à propos d'une foule de choses. C'est quand même un beau pied-de-nez de l'histoire de voir que, dans la démocratie, on vit la dictature de l'opinion. Ça m'énerve. Bon, tu me diras que mes propos ne sont jamais à propos, mais là n'est pas mon propos. Du reste, j'en suis conscient, par conséquent exonéré de tout blâme, et c'est moi l'inquisiteur ici.

Et l'exquis inquisiteur inquisite, c'est bien connu.

Remarque, je n'ai contre les gens qui ont des opinions, au contraire, mais contre ceux qui s'opiniâtrent à parler au je par peur d'être jugés sans personnalité, sans substance. Il faut savoir que les opinions qui ne sont pas or en barre sont or des fous.

J'ai appris à considérer le silence comme l'opinion la plus significative.

Allez, plus que 1097 paragraphes.

lundi 12 mars 2007

Le fol usage, paragraphe 7 : des tête-à-tête

Mon cher,

Je sais pas c'était comment pour toi, mais de mon côté, c'est affreux comment la tête peut parfois prendre de la place. Non, pas que j'aie la tête grosse, seulement la grosse tête et la tête mince, physionomie oblige. Et si je prétends que cette tête mince fait la grosse tête et la tête grosse, eh bien c'est parce qu'elle régit nombre de mes comportements, à mon grand dam parfois, hélas! Elle tue souvent dans l'œuf mes envies, fait tête-bêche de désirs tête-à-queue (ou la bête tête des désirs queue-à-tête, c'est selon), emprisonne et empoisonne le naturel parfois.

On a tous besoin du naturel comme couvre-chef.

Allez, plus que 1098 paragraphes.

En passant...

J'ai ajouté dans les liens ci-contre les archives des Grosconfessions de juillet 2005 à avril 2006, c'est -à-dire les billets rédigés avant mon déménagement à grosconfessions.net (les billets écrits entre avril et décembre 2006 étant irrécupérables).

mardi 6 mars 2007

Le fol usage, paragraphe 6 : les familles de langues

Dis donc Maurice,

Le cabinet du dentiste est l'antichambre de l'enfer, n'est-ce pas? C'est pas qu'il y ait une chambre, voire une prochambre de l'enfer. En fait, si je voulais être rationnel, l'antichambre de l'enfer serait la prochambre du paradis, mais il va sans dire que les questions d'étymologie à deux boules (donc dichotomiques), ça me fout les balles.

Mais revenons à mon propos. Tu me diras qu'il manque d'originalité. Soit. Mais c'est parce que tu ne me laisses pas du tout m'exprimer. Ce cabinet n'est pas maudit parce qu'on y trouve foule d'instruments hors de prix pour nous torturer à prix fort, a fortiori avec notre consentement éclairé (très éclairé même, la chaise du dentiste se comparant avantageusement à une lampe de bronzage). Il y aurait matière à écrire un Discours des servitudes volontaires. Non, il est maudit pour deux raisons bien simples pour l'homme de la rue que je suis :

  1. L'hygiéniste est presque toujours cute. Et le premier contact que t'as avec elle, c'est de lui montrer ton plus beau sourire entartré. Possibilités d'obtenir son numéro de téléphone par la suite : nulles. Ces pauvres jeunes femmes doivent être bien seules.
  2. Le dentiste profite toujours de ta position de vulnérabilité pour piquer ton orgueil, faire une ou deux blagues bien placées et, dans le pire des cas, te faire la morale et t'annoncer de nouvelles dettes pour les dix prochaines années. Toi, t'as la bouche ouverte, anasthésiée, envahie desdits objets de torture : nul besoin de dire que ta condition inhibe toute velléité de protestation.
Le dentiste, assurément, on ne m'y reprendra plus (ou on ne m'y pendra plus de nouveau, c'est selon).

Allez, plus que 1099 paragraphes.

mardi 27 février 2007

Le fol usage, paragraphe 5 : les domaines de la linguistique

Maurice, t'es là?

Je me suis rappelé cette odeur caractéristique des petits gymnases scolaires hier soir, à l'occasion d'une partie de mini-basket de ma nièce. Cette odeur caractéristique de tous les rêves précoces de vedettariat. Combien de fois me suis-je imaginé l'anxiété d'un match olympique? Combien de fois ai-je pensé pouvoir faire la différence au moment opportun? Trop souvent pour le plus moyen des sportifs.

Accepter d'être si uniquement ordinaire, voilà ce que nous rappelle l'odeur des gymnases.

C'est aussi ce à quoi l'odeur de ton ouvrage me fait penser. Le bon usage? Il eût fallu dire L'humilité. Humilité de celui ou celle qui fera toujours un travail honnête, sans plus. Humilité de celui ou celle qui sait... qu'il ne sait pas.

Allez, plus que 1100 paragraphes.

mardi 13 février 2007

Le fol usage, paragraphe 4 : la Saint-Valentin sans s'abaiser

Maurice,

On va se parler entre hommes, d'autant plus que je sais que tu ne pourras répliquer. Je profite de ta condition de (comment dirais-je?) de grammairien décédé pour te proposer un marché que tu ne pourras pas refuser : je te lis, je décante, puis tu me lis (donc tu lis la lie, pour ainsi dire). Ce n'est pas tant que j'aie toujours quelque chose dire, Dieu me garde de trouver une fin à mes propos, a fortiori quelque chose à tirer de ce que tu dis toi-même, mais j'ai l'impression tenace de devoir repenser ma relation avec ton ouvrage. Le motif? Rien de bien compliqué en fait, que le moteur de l'existence : tu m'emmerdes. Et comme j'ai pas envie de me faire chier, surtout pas de le laisser paraître, tu comprendras, n'est-ce pas, que un et un font deux, deux et deux font quatre, six et neuf font compliqué, basta les discussions grammaticales et autres fétichismes douteux en cette veille de la Saint-Valentin.


Allez, plus que 1101 paragraphes.

jeudi 8 février 2007

Du fol usage, paragraphe 3 : des paroles et des écrits

Le parallélisme entre les deux expressions [l’oral et l’écrit] n'est pas complet : outre le fait que la phonétique et l'orthographe ne se recouvrent pas exactement, il faut remarquer que le locuteur et l'auditeur participent le plus souvent à la même situation concrète (lieu et temps), ce qui n'est pas le cas d'ordinaire pour le scripteur, qui écrit pour un lecteur que souvent il ne connaît pas et qui se trouve en général dans un autre lieu et dans un autre temps.
Cher Momo,

Voilà ton premier paragraphe substantiel! Mes félicitations! D'ailleurs, c'est tout à ton honneur d'avoir réussi à me convaincre de le lire en entier. Il est souvent à propos de rappeler des évidences : l'oral participera toujours d'un processus différent de l'écrit. Il faudra toujours mettre l'écrit dans un contexte, ne jamais oublier que l'homme, la femme ou le blogueur qui écrit omet selon son bon vouloir une foule d'éléments qui pourraient clairifier son message. Considérant que les gens ont de la difficulté à se comprendre en personne, je n'ose penser ce qui peut se passer lorsque la langue est aussi dématérialisée que dans la lettre, le roman, le billet ou la mise en demeure. Dématérialisée, donc lieu de toutes les rêveries, de tous les fantasmes, de toutes les idôlatries... de toutes les déceptions. Si l'écrit présente une plus grande uniformité que l'oral, c'est qu'il appartient à tout le monde, à personne. Il n'en est pas moins réel, mais il manque de corps.

C'est à se demander pourquoi certaines gens tiennent tant à voir de visu les auteurs qui les font rêver. Il n'y a entre l'auteur et son œuvre aucune identification.

Auteurs comme lecteurs gagneraient à s'en rendre compte, à défaut d'y échapper.

Allez, plus que 1102 paragraphes.

mercredi 7 février 2007

Humour de traducteurs

Tiré d'une conversation par MSN entre l'auteur et ex-collègue B3 :

Je suis aléatoirement compréhensible dit :
« System Acceptance approval ». Bravo pour la redondance.

Benjam dit :
« Approvation d'acceptance système ». Trop facile. T'en as d'autres plus corsées?


lundi 5 février 2007

Le fol usage, paragraphe 2 : des sons et des adverbes

Le langage est constitué essentiellement de sons émis par le locuteur ou sujet parlant à l'intention d'un auditeur ou d'un interlocuteur.

À la lecture de ton deuxième paragraphe, bien court au demeurant, j'ai immédiatement voulu me précipiter vers les paragraphes portant sur les adverbes : décidément, le choix de essentiellement me tracasse. Qu'en est-il du reste du langage, dis-moi? J'ai suffisamment de mémoire pour me souvenir que la linguistique est essentiellement l'étude du langage parlé, mais je dois t'avouer que je te trouve d'emblée carrément injuste de me titiller ainsi. Tu me diras que j'aurais avantage à me faire titiller de plus avantageuse façon que la présente, mais là n'est pas la question; qui plus est, ce n'est pas tout à fait tes oignons. D'ailleurs tu commences déjà à faire toi-même des renvois à d'autres paragraphes. Et si moi je voulais déjà savoir ce que tu entends par la notion de syntagme que tu abordes plus loin, hein? Mais quelle est cette manie qu'ont les ouvrages encyclopédiques de prévoir un système de renvois entre les articles, de voir la connaissance comme un ensemble cohérent, un dialogue?


Or j'ai entrepris ma quête dans l'optique de la connaissance linéaire! Tu bousilles mes plans. Inadmissible! Encore ici, tu me diras peut-être que, exception faite de mon emploi intempestif de la prolepse1, encyclopédie renferme l'idée de globalité, d'embrassement du savoir, étymologiquement parlant, et non d'un savoir linéaire (autrement dit, que le savoir est synchronique et non diachronique), et que ton ouvrage n'est pas encyclopédique mais, considérant l'aveu de mon ignorance au précédent billet, je me trouvais plutôt ici avisé de faire ce genre de digression pour étaler les deux ou trois mots savants que je connais et faire une phrase syntaxiquement correcte de quatre-vingt-onze mots, les mots qui suivent mots (le premier, pas le deuxième) exclus, ce qui fait, en vérité, bien plus de quatre-vingt-onze mots, mais à ce compte, on n’arrivera jamais au nombre exact.

Je dois cependant admettre qu'en écrivant à l'intention de, t'as visé juste. Je sais qu'il n'est pas facile de définir des termes aussi vagues que langage, du moins suffisamment vagues pour justifier l'existence de départements dans nos universités. Mais là, chapeau! En effet, la communication participe toujours d'une intention, intention qui, il va de soi, n'est pas toujours saisie par l'interlocuteur dans un dialogue de sourds, à plus forte raison de l'auditeur lorsqu'il s'agit du conjoint type. J'en prends pour exemple les miaulements remplis d'intention mais jamais entendus de ce pas très affectueux tube digestif à poil qui me sert de chat (non, il ne s'agit pas dudit conjoint type).

Par ailleurs, tu me vois tout gaillard d'avoir trouvé une première information beaucoup trop imprécise dans ton ouvrage! Tu as beau prétendre que les sons forment des unités de sens que l'on nomme grossièrement mots mais précisément monèmes, ou morphèmes sous l'influence de nos voisins du Sud (les miens, pas les tiens), il y a un mec qui dit qu'« il ne faudrait pas conclure que "monème" n'est qu'un équivalent savant de "mot"2 » et qu'« il vaut mieux éviter le terme ambigu de "morphème"3 ». Eh bien moi, je crois qu'il a raison. Tu sais pourquoi? Parce que ça t'en bouche un coin!

Non mais vraiment, mon Fol usage sera un concours de celui qui pisse le plus loin ou ne sera pas.

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1 « Prévenir les objections en se les faisant à soi-même et en les détruisant d'avance. » (DUPRIEZ, Bernard. Gradus. Les procédés littéraires, Paris, Union Générale d'Édition (coll. « 10/18 »).
2 MARTINET, André. Éléments de linguistique générale, Paris, Armand Colin (coll. « Cursus »), p. 16.
3 Ibid.

mardi 30 janvier 2007

Le fol usage, paragraphe 1

Parmi les divers moyens dont l'homme se sert pour communiquer avec ses semblables (les gestes, les jeux de physionomie, le tam-tam, les feux des Indiens, le sémaphore, les panneaux de signalisation, etc.), le principal est le langage.

Mon cher Maurice,

Me voilà bien embêté de te voir amorcer Le bon usage par des notions de linguistique. Embêté, dis-je, parce que je me sens d'emblée ignorant. Tu me diras peut-être qu'il faut étudier les fondements du langage avant de s'attaquer aux particularités particulièrement chiantes du français (chiantes à un tel point qu'on les confond avec ses beautés), mais il me coûte de me sentir obligé de plonger dans d'autres ouvrages que je n'ai jamais eu le courage d'ouvrir pendant mes études pour ne pas avoir l'air trop con dès le départ.

C'est pourquoi, il va sans dire, que je ne me pencherai que sur les détails insignifiants, comme si, par définition, un détail n'était jamais autre chose qu'insignifiant.

Je n'ai jamais tout à fait saisi les nuances entre langage, langue et parole. En linguistique chaussurienne (je suis certain d'être le premier à faire cette blague de mauvais goût), la distinction est capitale. Je te soupçonne d'avoir soigneusement évité les problèmes de terminologie en employant une périphrase aussi vague que « les divers moyens dont l’homme se sert pour communiquer ». La périphrase est le fondement même de la langue de bois, tu le sais bien. Il s'agit de noyer le sens dans une foule de mots pour ne pas avoir à dire la chose telle qu'elle est. Demande à n'importe quel couple moderne ou chef d'entreprise : tu seras surpris.

C'est dans cette mesure que je ne suis pas mécontent de voir, plus loin dans le paragraphe, que le langage a d'autres fonctions, entre autres qu'« il sert d'expression, de support à la pensée », ce qui reviendrait à dire, si j'étais de mauvaise foi, que l'insignifiance du propos était à l'image de l'insignifiance de la pensée. D'ailleurs, l'idée selon laquelle les gens qui ne savent pas s'exprimer ne savent pas penser est plutôt répandue. Quand de grosses légumes indiquent, dans un ouvrage des éditions du Seuil, qu'« il ne s'agit pas seulement de dire que la parole est singe, mais qu'elle est miroir, qu'elle comporte une analogie interne avec le contenu qu'elle véhicule1 », je ne peux que cautionner les jugements tout à fait gratuits que je porte sur certains analphabètes fonctionnels que je corrige pour gagner mon pain quotidien.

Mais bon, dans ce cas, tu te rattrapes particulièrement bien en rappelant, d'après Jakobson (un autre nom qui me rappelle force cours ratés pendant mes études), la fonction phatique de la communication, c'est-à-dire que la communication, parfois, « justifie la communication », ne sert qu'à l'établir. Est-ce à dire que la fonction phatique n'est qu'une façon polie de désigner la fonction « parler pour ne rien dire »? Réponds-moi, je te l'ai dit, j'y connais rien dans tout ça.

Les tours à bureaux sont objets phalliques et phatiques, c'est moi qui le dis.
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1 DUCROT, Oswald et SCHAEFFER, Jean-Marie. Nouveau dictionnaire encyclopédique des sciences du langage. Paris, Seuil (coll. « Points »), p. 18.

jeudi 25 janvier 2007

Contretemps

Patient, patiente,

Ma guigne étant ce qu'elle est, mon ordinateur à la maison est aujourd'hui kaput. Et pour des raisons financières, ce sera pas de sitôt que j'aurai de nouveau accès à un appareil de chez moi.

Redécouvrir le plaisir d'écrire à la main.

Je retaperai à partir du bureau.

Mais pas avant lundi.

lundi 15 janvier 2007

Le fol usage, l'intro

Christiane Charrette, Christian Charrue,

Toujours enfant, au moment où ma grande sœur entreprenait ses études de lettres, j’étais vivement impressionné par l’exemplaire du Bon usage qui traînait dans sa bibliothèque. Comment ne pas trouver la grammaire compliquée à la vue de ce monstre? Plus ou moins 1700 pages, 1105 paragraphes, la langue normative dans toute sa splendeur.

Une vingtaine d’années plus tard, ce constat : cet ouvrage est une mine de renseignements, bien sûr, mais il beaucoup plus simple que je ne l’aurais cru, beaucoup plus souple que bien d’autres ouvrages en la matière. Le bon usage, une bible? Non, en fait, c’est le plus vaste regroupement de citations jamais publié. En d’autres termes, Le bon usage fait un excellent livre de salon mondain.

Mais voilà, je suis certain que vous avez la flemme. Et moi, en bon pédagogue, j’ai songé commenter, paragraphe par paragraphe, ce monumental ouvrage de M. Grevisse, ce qui veut dire, cela va de soi, que je lirai l’ensemble de son contenu. Je ne recopierai pas tout, c’est pas bien de toute façon et je n’ai surtout pas envie d’avoir des problèmes de droits d’auteur droit dans le cul. Non, il ne s’agira que d’apprendre sans nécessairement s’amuser, soit en faisant deux ou trois blagues de mauvais goût. Si je tenais le rythme d’un paragraphe par jour, j’en aurais pour un peu plus de trois ans. Évidemment, ce ne sera pas le cas. Je vous tiendrai captifs beaucoup plus longtemps. Ce sera mon fol usage.

Vais-je tenir le coup? Mais quelle question! Ce n’est pas la grammaire qui vous intéresse, après tout?

Allez, plus que 1105 paragraphes.

lundi 8 janvier 2007

Je vas vous dire in affaire

Glandeur, glanderesse,

Collègue B2, B4, Vicks (elle est toujours grippée ces derniers temps) et moi avons repris aujourd’hui une discussion sur l’emploi particulièrement fréquent du futur périphrastique (ou futur proche) dans la langue orale et, par conséquent, de l’emploi littéraire du futur simple. Bon, on me dira peut-être qu’on a des sujets de conversation particulièrement nazes dans mon service, mais ça vaut bien, vous en conviendrez, les ennuyeuses discussions sur le temps, les vacances, la télé, le sexe et la coprophagie qui se tiennent régulièrement dans les ascenseurs des édifices du centre-ville.

« Ce futur périphrastique est un redoutable concurrent du futur simple dans la langue parlée : On a calculé qu’on l’employait une fois sur trois. » Voilà ce qu’affirme Grevisse dans Le bon usage. Le pauvre : il n’a jamais fait un tour au Québec, foi de quelqu’un qui ne sait de quoi il parle. Non mais, vous vous souvenez de la dernière fois où vous avez dit : « Je me ferai des tomates confites et deux œufs tournés saucisses demain », au lieu de : « Je vais me faire des tomates confites et deux œufs tournés saucisses demain »? Non? Me voilà réconforté. Bon, il y a tout de même collègue B4 qui prétend qu’on utilise le futur simple plus souvent qu’on ne le croit, mais je vais tout de même pas m’embarrasser des affirmations d’un linguiste qui sait de quoi il parle. C’est moi qui commande ici, je dis ce qui me met en valeur, je ne voudrais pas qu’on corrompe ma liberté d’expression, c’est la mode dans les blocs-notes. CQFD, basta et passez go.


Reprenons donc la démonstration. Toi, homme du peuple, et toi, femme du peuple, voulez impressionner la galerie, masquer votre statut social et faire bonne impression dans les soirées canapés (admirez la polysémie de l’expression)? Pensez futur simple et, dans le meilleur des cas, plus-que-parfait du subjonctif (que nous aborderons une autre fois). À cet égard, je vous présente des exemples vous aideront, j’en suis sûr, à devenir accroc du futur simple :


Ne dites plus :

  1. Je vais lire ce blogue rempli d’atermoiements amoureux.
  2. Je vais lui faire l'amour comme s’il n’y avait pas de lendemain.
  3. Il va la demander en mariage.
  4. Il va se faire prendre les culottes baissées.

Dites plutôt :

  1. Je lirai très bientôt le blogue typique.
  2. Je frapperai mon Waterloo.
  3. Il s’humiliera.
  4. Il rencontrera sa maîtresse.

Bon, je crois que vous comprenez le principe. Exercez-vous. N’hésitez pas à me faire part de vos découvertes.

Évidemment, je ne saurai trop vous faire prendre conscience de la polyvalence du futur dans le verbe français. Il faut en effet adjoindre au futur simple, au futur périphrastique et au futur antérieur (« J’aurai été un pédagogue extraordinaire. ») le futur proche sans semi-auxiliaire (« J’arrive à l’instant. ») et, en matière de nanas, le futur improbable (« Je t’appelle. »), le futur compliqué (« Je ne suis pas prête. »), le futur plaisant (« Je couche le premier soir. »), le futur sans sexe (« Je suis enceinte. ») et le futur anéanti (« Il faut qu’on se parle. »).

Qui a dit que le français était une langue compliquée, hein?

mercredi 3 janvier 2007

Vous avez dit guide?

Garçons, garçonnières,

Voilà plus de six jours entiers que je planche sur la traduction d'un guide d'utilisation (plutôt que guide de l'utilisateur, rédaction épicène oblige). Le texte ne pose pas de problèmes particuliers, si ce n'est de son style, qui laisse croire que son rédacteur est francophone. Bah, on s'y fait vous savez! Ce n'est certainement pas la première ni la dernière fois qu'on me demande de rendre en français en texte en anglais qui sent le français à plein nez! De nos jours, les employés sont si (désespérément) bilangues!

En fait, la traduction de guides d'utilisation est rarement difficile. Ils sont d'une simplicité désarmante : cliquez sur le bouton (qui ruinera votre rancart), appuyez sur la touche Entrée (ici, et non pas là), sélectionnez Sauvegarder sous... (peine de perdre votre emploi), faites un choix dans le menu déroulant (de nanas, en anglais drop-down dead gorgeous menu) et ainsi de suite, vice versa et vogue la galère.

Les pires phrases, celles qui vous font normalement arracher les cheveux, retirer les doigts du nez, regretter les ennuyeuses nuits de luxure et douloureuses démangeaisons qui les suivent, eh bien ces phrases se traduisent avantageusement, dans la plupart des cas, par « Cliquez sur OK ». On n'enseigne jamais ce truc infaillible dans les cours de traduction. C'est dommage.

Mais voilà, qui lit ces ouvrages, hein? Vous? D'aucuns savent qu'en cas de problème, pas question de lire le guide, à plus forte raison d'y trouver réponse à ses questions! Mieux vaut s'humilier au téléphone avec un technicien qui ne l'a pas lu, le guide!

Le travail du translateur est toujours destiné à l'oubli.

Le guide, c'est pour les nuls!